“A Step Into This Century” – Critique

A Step Into This Century With Works Written for the Performer
Critique, New York Times ; traduite en français.

Le pianiste Jay Gottlieb nous a montré ce qu’il peut y avoir de plus nouveau dans un programme éblouissant, ayant pour titre «Musique pour piano du XXIème siècle». Le public, venu nombreux, ne pouvait trouver meilleur guide. M. Gottlieb a consacré une majeure partie de sa carrière à jouer en concert des oeuvres écrites pour lui. Né à New York, il vit depuis longtemps à Paris… Son brillant talent, allié à son esprit aventureux, sont bien documentés par une précieuse série d’enregistrements, le plus récent étant un CD d’oeuvres contemporaines réalisé par Radio France, sous le label «Signature». Elève à Juilliard et à Harvard, M.Gottlieb envisageait d’abord de devenir compositeur. Mais c’est le piano qui l’a emporté… Après avoir travaillé à Paris avec Nadia Boulanger, il s’est rapproché du cercle de Messiaen, travaillant de façon intensive avec la femme de ce dernier, la pianiste Yvonne Loriod. Samedi, M. Gottlieb a présenté les oeuvres de véritables «Nations Unies de compositeurs» (du Danemark, de Finlande, du Japon, du Maroc, d’Argentine et de France, entre autres). La plupart de ces oeuvres ont été écrites pour lui lorsque les compositeurs en question ont vécu à Paris. Les quatre Etudes de Maurice Ohana sont d’une difficulté extrême, évoluant à travers des éclats agités d’harmonies tourbillonnantes, avec, par moments, quelque parfum ou quelque geste lyrique qui rappelle Debussy, Albeniz ou Chopin; mais on ne saurait vraiment situer l’ensemble, malgré le sentiment qu’on peut avoir, d’une oeuvre très proche de nous.

L’Etude (2001) de Magnus Lindberg, volatile et piquante, est d’autant plus frappante qu’elle dure à peine trois minutes. «Etude-Variation» de Gilbert Amy un doyen parmi les compositeurs français, et associé de Pierre Boulez est, selon les termes mêmes de M.Gottlieb, comme une version bouillonnante, mais du XXlème siècle, d’une Etude d’exécution transcendante de Liszt. «Event Horizon», du compositeur danois Poul Ruders, une oeuvre d’une extraordinaire vitesse et incandescence, donnant l’impression que la jouer touche aux frontières de l’impossible, a redonné le sens d’un tout organique au style tourbillonnant, essentiellement atonal et coloré, que M.Gottlieb semble inspirer aux compositeurs écrivant pour lui. L’auditoire a également pu découvrir des oeuvres fascinantes de Karen Tanaka, Betsy Jolas, Luis de Pablo, Bruno Mantovani, et Oscar Strasnoy («Exercices de Latinité», écrit en 2002, semble une cinglante apothéose moderniste alternant cha-cha, tango et tarentelle). M. Gottlieb s’est révélé très affable porte-parole de ces oeuvres grâce à ses introductions parlées, perspicaces et pleines d’esprit. Mais, en fin de compte, il s’agissait avant tout d’exécutions magnifiquement colorées, rendues époustouflantes par une technique hors du commun. Voilà ce qu’on peut appeler un récital!

The New York Times

Le 21/07/2004
Anthony TOMMASINI

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