“A la découverte de la musique contemporaine” – Le Monde

A la découverte de la musique contemporaine avec Jay Gottlieb, Le Monde, 24/05/2008

A défaut d’emmener le pianiste Jay Gottlieb sur une île déserte, il faudra se laisser embarquer avec lui au festival Ile de découvertes, deuxième édition de la biennale de musique contemporaine en banlieue initiée par Marc-Olivier Dupin, alors directeur général de l’Orchestre national d’Ile-de-France et nouveau patron de France Musique.

New-Yorkais installé en France depuis vingt-cinq ans, élève de la Juilliard School et de Harvard, étudiant auprès de Yvonne Loriod et de Nadia Boulanger (“Je me souviens de son intelligence exquise, de son esprit critique. De sa méthode socratique”), Jay Gottlieb est un météore dans le monde fermé des interprètes de musique contemporaine. Sa méthode socratique à lui – passion, exubérance, charisme -, il n’hésite pas à l’affronter à des milieux réputés zones de non-droit, comme ces lycées de banlieue où il explique que le rythme n’est pas de battre la mesure, se met au piano, improvise et laisse bouche bée des gamins qui n’ont pas encore remis leur Walkman sur les oreilles.

“Il ne faut jamais prendre les jeunes pour des cons. Il faut les bousculer, les séduire, les choquer. A ce titre, l’éclectisme bien compris du festival de Marc-Olivier Dupin est un modèle du genre, affirme-t-il. On y trouve aussi bien la dernière création contemporaine que György Ligeti, Régis Campo, Magnus Lindberg, Yves Chauris et les classiques du XXe siècle que sont Stravinsky, Webern, Messiaen et Takemitsu.”

Le facétieux Gottlieb se réjouit comme d’un bon tour d’interpréter l’Eros piano de John Adams avec l’Orchestre national d’Ile-de-France le 25 mai, à 15 heures. “C’est une oeuvre d’une séduction incroyable, capable d’hypnotiser n’importe quel public. Elle a été écrite en 1989, deux ans après la mort de Morton Feldman à qui elle est dédiée, pour coller aux termes héroïque et érotique avec lesquels John Cage parlait du grand Morty.” Dans le même concert, Gottlieb donnera aussi en création Rivage, pièce pour piano et orchestre du Français Denis Cohen, “un compositeur sans concession”.

Trois jours de musique contemporaine, c’est peu et c’est beaucoup quand on sait que le 24 mai, ce sont les vingt-cinq élèves en option musique du lycée Champlain de Chennevières-sur-Marne et dix chanteurs du Conservatoire, mêlés à des professionnels, qui improviseront le nouvel opéra de chambre de l’Argentin Oscar Strasnoy, L’Instant. Que Marc-Olivier Dupin dirigera les trois heures quarante-cinq minutes de musique qu’il a composées pour la résurrection du film muet d’Henri Fescourt, Monte Cristo, lequel sera projeté de 18 heures à 23 heures. Tous auront à coeur, selon les mots de Nadia Boulanger, “de traiter la musique comme si l’encre était toujours fraîche”.
Marie-Aude Roux